Trying to breathe - Josep

1976 Naissance à Chicago ; les parents se sont rencontrés l'année d'avant, une espèce de coup de foudre qui a conclu sur un mariage un poil express au goût de tout le monde, sauf du leur. Joseph est une évidence, parce qu'ils s'aiment, parce qu'ils veulent le crier au monde... Quoi de mieux qu'un enfant pour s'assurer de la partie hurlements ? 1984 Déménagement ; ils en avaient assez de la grandeur de Chicago, assez de ne pas parvenir à mettre des racines en terre et s'y sentir chez eux. Waldwick est comme une évidence pour eux ; et parce qu'ils ont toujours marché au coup de coeur (et surtout parce que monsieur y connaît un ancien camarade), ils emménagent là. Josep suit bien entendu le mouvement, découvrant ce nouveau monde fait de bien moins de bruits ; découvre même celui des oiseaux au petit matin. C'est étrange ; mais enthousiasmant, alors que l'enfant des voisins - d'à peu près du même âge - vient à lui pour proposer une amitié qui, quarante ans plus tard, tient encore. 1996 Il rencontre celle qui deviendra sa femme ; du moins, dans les mots, parce qu'aucun mariage ne surviendra jamais. Ils sont heureux ainsi ; et surtout, ça coûte cher un mariage, d'autant plus quand la bonne nouvelle tombe rapidement... 1997 Naissance de son enfant ; fils bien-aimé d'avant même sa naissance mais le voir semble confirmer le tout ; malgré les doutes émis par sa mère, il n'écoute pas et n'envisage pas que son fils ne soit pas le sien, pas quand c'est lui qui se lève aussi la nuit pour s'en occuper ; pas quand il a l'impression que la vie prend enfin tout son sens grâce aux grands yeux du gamin dans les siens. 2013 Séparation avec madame ; au moins aucun divorce n'est à gérer en plus. Elle lui a balancé ses affaires à la tronche, tout comme les horreurs qu'elle avait pu dire ; une certaine constante qui l'écorche mais pour leur fils, il tient le choc. L'appartement de fortune dans lequel il trouve refuge a une seconde chambre et ça lui va très bien, parce que son gamin a une chambre ; et ce dernier fuit au mieux sa mère et surtout, son nouveau mec ; il déteste les murmures tard le soir de ces deux-là et Josep hausse les épaules quand il lui dit ça, pas particulièrement friand d'entendre que son histoire d'amour est belle et bien terminée. 2015 Son fils disparaît, soudainement ; il avait fêté ses dix-huit ans peu de temps auparavant. Josep alerte bien assez vite les autorités mais ne s'attendait pas au raz-de-marée qui s'apprêtait à ravager un peu plus encore sa vie. C'est que l'enquête découvre que peu de temps avant sa disparition, sa mère et son "nouvel" amant ont fait une nouvelle fracassante au gamin : il était en réalité son père. Josep comprend que les murmures dont parlait son fils devaient être liés à savoir quand annoncer la nouvelle. Mais qu'importe ; merde, vraiment, qu'importe ! Il supplie qu'on retrouve leur fils, que ça peut pas être juste ça, pas cette explication là ; il est forcément arrivé quelque chose à son gamin. 2016 Déjà un an ; l'arbre de noël est fait, sans pour autant y voir son étoile fixée au-dessus ; c'était le rôle de son fils de l'y mettre. 2017 Il se rend régulièrement à la police ; mais ils n'ont rien à lui dire de nouveau ; le monde est si morne. 2018  La routine est là ; boulot, recherches dodo, recherches, boulot, dodo... Pourquoi ressent-il de la colère, à présent ? 2019 Il trouve enfin le courage de ranger la chambre du gamin ; avait peur avant de le faire, avait peur que ça soit comme un signal au monde qu'il était prêt à tourner la page alors que non, bien sûr que non... C'est juste la nostalgie qui l'étreint, le jour de l'anniversaire du petit ; caresse ses cahiers de classe comme si c'était précieux (alors que tout adolescent rêve de s'en débarrasser), s'assoie au milieu de la petite chambre (c'est pourtant plus de son âge), parle dans le vide (c'est déjà plus de son âge) sans savoir quoi dire. C'est à force d'être là qu'il remarque un carnet à dessin ; l'explore et retrouve un logo récurrent ; ah, nostalgie, vicieuse ; le coeur est un peu plus grignoté. Les conversations avec le gamin lui manque terriblement ; il voudrait encore se faire casser les pieds à propos de ses rêves ; pourrait enfin lui dire qu'aujourd'hui, c'était l'avoir à ses côtés qui était le sien. 2020 Un nouveau tatouage ; tente de garder le lien avec son gamin.  2023 Il ne va pas bien, Josep ; mais il ne va plus si mal non plus ; comme anesthésié par le temps qui passe.